2 novembre 2017

Chrétiens d'Orient - Périple au coeur d'un monde menacé (Vincent Gelot, 2017)

Chrétiens du Levant : 60.000 kilomètres en 4L pour rencontrer et témoigner (31.10.2017)


  • Publié le 31/10/2017 à 06:00
REPORTAGE - Quel est l'état du patrimoine culturel des chrétiens du Levant ? Dans le cadre de l'exposition sur l'histoire de ces communautés qui a lieu à l'Institut du monde arabe, à Paris, jusqu'au 14 janvier, retrouvez notre carnet de route. Aujourd'hui, rencontre au Liban avec Vincent Gelot. Ce jeune nantais est allé, deux ans durant, seul à la rencontre de toutes les églises d'Orient. De la Turquie à l'Éthiopie, de l'Égypte au Kirghizistan.

La Renault 4L de Vincent Gelot doit arriver cette semaine sur le parvis de l'Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Convoyé depuis Beyrouth, ce véhicule antédiluvien, cabossé, couvert de symboles et de graffitis, sera installé-là jusqu'à la fin de l'exposition que le lieu consacre à l'histoire des différentes communautés chrétiennes du Levant.



Vincent Gelot, les connaît bien, et pas seulement elles mais toutes celles d'Orient. De la Turquie à l'Éthiopie, de l'Égypte au Kirghizistan. En août 2012, alors qu'il avait 23 ans, il est en effet parti seul à leur rencontre avec sa voiture-roulotte baptisée Habibimobile. Ses 60.000 kilomètres parcourus dans 22 pays l'ont profondément marqué. Témoin: cette croix copte qu'il a tatouée au poignet. «C'était déjà, dès le IIIe siècle, un signe de résistance face aux persécutions. La marque servait à identifier les croyants à l'entrée des lieux clandestins de culte. On passait la main à travers le guichet de la porte... Aujourd'hui c'est un honneur et une fierté de la porter.»

L'aventure était prévue huit mois, elle a duré plus de deux ans. Caché sous son siège Vincent Gelot a promené un grand livre d'or sur lequel il a recueilli d'innombrables témoignages, souvent des appels à l'aide des chrétiens rencontrés mais aussi des dessins, des collages, des messages d'espoir... Le livre a été remis au pape François à l'issue de l'odyssée, alors qu'il voyageait en Terre Sainte. Il est actuellement visible dans la dernière salle de l'exposition de l'IMA. On y lit, après des poèmes et des petits mots en arabe, en farsi, en russe, en pachto, en araméen ou encore en amharique, ce mot du Pontifex romanus: «Je rends grâce pour ces témoignages de l'Église en Orient, une Église qui a donné tant de saints, et qui souffre aujourd'hui».

La voiture d'amour

La Habibilimobile (qui peut se traduire par «voiture d'amour») affiche déjà 151.000 km au compteur quand le jeune homme, ancien scout nantais, diplômé de Science Po et en master de droit humanitaire, l'acquiert. «J'étais nul en mécanique, je ne savais même pas changer une roue», dit-il. Son idée est de gagner Beyrouth rejoindre Benoît XVI. Le pape venait alors au Liban pour remettre aux Églises d'Orient une feuille de route concernant les prochaines décennies.

Vincent Gelot prend la route avec 15.000 euros d'économies qui seront complétées au cours du projet par une levée de fonds sur Internet. Il découvre alors l'Orient compliqué. Celui des Coptes, Maronites, Syriaques, Arméniens, Chaldéens... Un monde complexe avec des dizaines de rites différents mais qui est d'abord - il ne cesse de le rappeler - le berceau de la chrétienté.

L'aventurier y plonge résolument, sillonnant déserts et mégalopoles, steppes et montagnes, pour entrer en contact avec ces communautés, certaines persécutées, d'autres interdites, ou encore menacées de s'éteindre. Ceux qui l'accueillent lui parlent de leur vie difficile et aussi de leur foi. Il enregistre leurs voix, leurs musiques, prend des photos, rédige son journal de bord...

De -25°C certaines nuits à 60°C à l'ombre

Ce voyage le change profondément. «J'ai eu une expérience presque monastique, confie-t-il. Ces communautés multiséculaires vivent souvent dans leur bulle, chacune a son histoire, sa langue, ses pratiques.» En Iran où il est hospitalisé parce que des chiens l'ont mordu à la jambe, on manque de vaccin contre la rage pour cause d'embargo occidental. Heureusement, il tient bon. Il estime à 65 000 les chrétiens sur place. Aucun ne peut accéder à un poste élevé dans la société. Quant aux conversions, elles sont punies de mort. Finalement ses blessures n'étaient pas si terribles...

Vincent Gelot conserve d'autres souvenirs pénibles. Comme lorsqu'il a croupi deux jours durant dans une aire aéroportuaire pour s'entendre dire que son passage au Yémen lui était refusé. En Éthiopie, un camion a percuté sa 4L. L'Arménie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan ont manqué de lui coûter quelques doigts de pieds car ils ont été traversés par des températures chutant jusqu'à - 25°C la nuit. À l'inverse, dans les embouteillages des villes du Golfe persique par 60°C à l'ombre, il a frit dans sa carlingue.

En Ouzbékistan un homme l'a particulièrement rendu heureux. Ce père, prêtre de gitans, était un Polonais grandi en Russie sous le régime soviétique, quand l'Église était interdite. Il avait officié dans les steppes de Sibérie, en avait été expulsé en 2002 et se retrouvait à la tête d'un petit groupe de croyants clandestins. Pourtant tout rassemblement était interdit. Peu de temps après leur rencontre, ce père a de nouveau été expulsé. Aux dernières nouvelles il serait missionnaire en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Au Yémen, il s'est lié d'amitié avec un autre religieux. Lui s'était fait kidnapper par les islamistes et était demeuré tel pendant 18 mois. «Discrimination, guerres, crises économique et même querelles de clochers: le XXe siècle aura été pour tous ces chrétiens d'Orient, extrêmement rude», résume-t-il.

Et de rappeler qu'en Syrie au début de l'insurrection, au printemps 2011, la communauté chrétienne comptait bien deux millions d'âmes. En 2014, après avoir bouclé son voyage à Jérusalem alors que le pape François arrivait lui aussi en Israël, EI déferle sur Mossoul et la plaine de Ninive. Alors, fort de son expérience et fidèle à ses amitiés, Vincent Gelot retourne dans le Kurdistan irakien. Il participe à la création d'une radio basée à Ainkawa, le quartier chrétien d'Erbil. Elle porte la voix des réfugiés.

Basé aujourd'hui au Liban, marié et père d'un petit Joachim (qui signifie en hébreu ancien «Dieu met debout»), le voilà devenu responsable des programmes de l'Œuvre d'Orient pour les réfugiés en Syrie, Liban et Jordanie. Il précise que l'Œuvre d'Orient est une association française au service des chrétiens d'Orient depuis plus de 160 ans. Elle l'a aidé dans son périple. Aujourd'hui les droits d'auteur d'un livre qui résume ses deux années exceptionnelles lui sont reversés et vont intégralement à l'effort d'entraide.

Chrétiens d'Orient - Périple au cœur d'un monde menacé, Vincent Gelot, préface de Mgr Pascal Gollnisch, Albin Michel, 272 p., 49 €.





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