1 juin 2017

Israël et Palestine



Double attentat à Jérusalem: une militaire morte, trois assaillants abattus

Par Nissim Behar, à Tel-Aviv — 16 juin 2017 à 21:09
A Jérusalem, ce vendredi.
A Jérusalem, ce vendredi. Photo Ammar Awad. Reuters

Une militaire israélienne est morte vendredi soir après deux attaques : l'une à l'arme à feu à l'entrée de la vieille ville, et l'autre à l'arme blanche le long de l'avenue Sultan-Suleiman. Trois agresseurs palestiniens ont été tués.

Trois agresseurs palestiniens ont été abattus et une garde-frontières israélienne a été tuée, et un de ses collègues grièvement blessé, vendredi soir à Jérusalem, au terme d’une double attaque menée à l’entrée de la vieille ville pour la première, et le long de l’avenue de Sultan-Suleiman (à quelques centaines de mètres de là) pour la seconde. Selon les premiers témoignages de touristes présents sur place, un ou plusieurs Palestiniens ont ouvert le feu sur les soldats de l’Etat hébreu avec une mitraillette artisanale Carl-Gustav (arme fabriquée clandestinement en Cisjordanie occupée) alors qu’un ou deux autres ont poignardé une jeune fille en uniforme de faction devant la porte de Damas. Daesh a revendiqué l’attentat mais rien ne permet de confirmer que l’organisation islamique est bien à l’origine de l’attaque. Le Hamas de Gaza a également endossé l’attaque en affirmant que certains des membres du commandos étaient affiliés au FPLP et au Fatah.
«Certes, ces dix-huit derniers mois, il y a eu plusieurs tentatives d’attaques au couteau devant la porte de Damas, mais c’est la première fois que nous sommes confrontés à un plan plus élaboré incluant des tirs à l’arme automatique, a déclaré le commandant de la police de Jérusalem, qui s’est immédiatement rendu sur place en compagnie du maire de la ville, Nir Barkat (Likoud). Nous devrons tenir compte de cette nouvelle donne et agir en conséquence. Si des mesures plus sévères sont nécessaires, nous les mettrons en place sans hésitation.»

«Cette mansuétude n'a plus lieu d'être»

A l’occasion de la fête du ramadan, la police israélienne a considérablement renforcé son dispositif de sécurité à Jérusalem-est, la partie arabe de la ville occupée depuis 1967. Jeep blindées, patrouilles équestres, multiplication des contrôles, tout a en effet été mis en œuvre pour impressionner les Palestiniens de Jérusalem et leur faire comprendre qu’ils n’avaient pas intérêt à bouger le petit doigt. D’ailleurs, les trois premières semaines de la fête musulmane se sont déroulées sans le moindre incident et quelques heures avant l’attentat de ce jour, plus de 160 000 fidèles musulmans avaient pu prier sur l’esplanade des mosquées, le deuxième lieu saint de l’islam.
En raison du calme apparent, le Shabak (Sûreté générale) et l’armée israélienne avaient d’ailleurs également autorisé, pour la première fois depuis près de vingt ans des autocars palestiniens à venir directement des villes de Cisjordanie occupée jusqu’à la vieille ville de Jérusalem.
«Etant donné ce qui vient de se passer, cette mansuétude n’a plus lieu d’être. Pour la dernière semaine du ramadan, les contrôles aux barrages redeviendront plus sévères et les patrouilles dans la vieille ville seront renforcées, explique Rony Daniel, le chroniqueur militaire de la deuxième chaîne de la télévision israélienne. L’expérience du Shabak et de l’armée montre que le risque sécuritaire augmente au fur et à mesure que l’on s’approche de la fin de la fête.»

Les domiciles seront rasés

Au moment où ces lignes sont écrites, les services de sécurité israéliens n’étaient en tout cas pas en mesure de déterminer si les trois Palestiniens, dont les identités étaient encore gardées secrètes, faisaient partie d’une organisation ayant pignon sur rue. Ou s’ils s’étaient, comme beaucoup d’autres ces derniers mois, mobilisés par le biais des réseaux sociaux.
Selon nos informations, le Shabak et l’unité antiterroriste de la police israélienne ont en tout cas déclenché une vague de perquisitions et d’arrestations peu après la fin de la double attaque de vendredi soir. Conformément à la législation israélienne, le domicile des auteurs de l’attentat sera rasé. Ou rendu inhabitable s’il s’agit d’un appartement. S’ils résident à Jérusalem-est, leurs proches seront privés de tous leurs droits sociaux et, peut-être de leur statut de résident. Ce qui équivaut à les expulser en Cisjordanie occupée ou dans un pays arabe voisin.
Nissim Behar à Tel-Aviv




A Gaza, mardi.
A Gaza, mardi. Photo Thomas Coex. AFP

Israël a annoncé dimanche vouloir réduire sa distribution d'énergie dans le territoire. En avril, l'Autorité palestinienne avait déjà cessé de payer les frais de la seule centrale existante. La population ne disposait que de trois à quatre heures de courant par jour, elle risque d'en n'avoir plus que deux.

«Le quotidien de Gaza, ce sont les maisons détruites, et les enfants qui se blessent avec les bougies qu’on allume parce qu’on n’a plus d’électricité», s’emporte Ismaïl Shimbari, père d’une famille nombreuse s’entassant dans un préfabriqué insalubre de Beit Hanoun, une ville proche de la frontière avec Israël. «Le Hamas ne gagnera aucune guerre, le siège israélien ne sera jamais levé, et on va juste tous crever ici», conclut ce trentenaire dont la maison a été détruite dans le dernier affrontement entre Israël et le Hamas, à l’été 2014.
Alors que le petit territoire, 365 kilomètres carrés pour 2 millions d’habitants, subit une crise humanitaire chronique régulièrement dénoncée par les Nations unies, nombreux sont ceux qui partagent le pessimisme d’Ismaïl. Dernier épisode en date : les pénuries d’électricité. Elles n’avaient jamais atteint un niveau aussi critique. En avril, l’Autorité palestinienne (AP) a cessé de payer les frais de la seule centrale de Gaza. Dimanche, Israël, qui fournit la majorité de l’énergie, a aussi annoncé qu’il allait réduire sa distribution. Les Gazaouis obtenaient de trois à quatre heures de courant par jour et n’en recevraient donc plus que deux.

Conséquences dramatiques

Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, met ainsi la pression sur le Hamas, qui gouverne Gaza sans partage. Cette semaine marque justement les dix ans de la prise de pouvoir par la force de ce mouvement islamiste, considéré par beaucoup, au sein de la communauté internationale, comme une organisation terroriste, dont l’Union européenne. Toutes les tentatives de réconciliation ont échoué : le Hamas entend faire vivre Gaza sous sa bannière, et l’AP, à Ramallah, refuse. Cette décennie de divisions paralyse l’ensemble de la société car sans gouvernement uni, une Autorité palestinienne qui se bat pour être reconnu comme Etat pédale dans le vide.
Les Israéliens ont eux aussi abattu leurs cartes. Contre les recommandations de l’armée, le gouvernement d’Israël a donc annoncé réduire d’environ une heure l’approvisionnement quotidien de la bande de Gaza. Les conséquences seraient dramatiques car sans électricité, les hôpitaux, les systèmes de traitement des eaux usées ou d’éclairage public ne pourront plus fonctionner normalement.
Le ministère de la Santé local, tenu par le Hamas, a déjà annoncé le report sine die d’au moins un tiers des opérations. Si l’irrigation des cultures ne fonctionne plus, en plein cœur de l’été, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) prévoit des pénuries alimentaires.

Un problème de plus

«Tout est déjà très fragile», soupire Omar Shaban, économiste et analyste politique de Gaza : «Ça pourrait basculer très vite dans cette atmosphère.» Pour lui, la crise de l’électricité n’est qu’un problème de plus dans le marasme : «Il y a dix ans, on avait certes du courant tout le temps, mais on avait aussi des emplois pour plus de 85% des diplômés, une liberté de mouvement relative mais existante, une économie dynamique, la sécurité alimentaire…» La prise de pouvoir du Hamas par la force, la division politique nationale, et le blocus imposé par Israël ont rendu la situation «complètement désespérée».
Selon la Banque mondiale, le PIB de Gaza a perdu 50% de sa valeur à cause du blocus israélien, et le chômage concerne 45% de la population active. Les frontières ne laissent passer les Palestiniens qu’au compte-gouttes. L’immense majorité des habitants est aujourd’hui dépendante de l’aide humanitaire pour sa survie.
D’autres indicateurs sont au rouge. Les confrontations entre soldats israéliens et Palestiniens le long de la frontière sont quotidiennes. Vendredi, un Palestinien a été tué. Le même jour, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA)  s’est outré de la découverte d’un tunnel creusé entre deux de ses écoles. Ces galeries servent notamment à approvisionner le territoire en armes. Le Hamas a pour l’instant démenti l’existence du tunnel, mais «cette annonce pourrait avoir des conséquences dramatiques puisque les dirigeants israéliens s’en servent contre Gaza», décrypte le politologue Mkhaimar Abusada, depuis Gaza. Après avoir fustigé l’UNRWA et les tunnels, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a néanmoins calmé le jeu : son pays ne veut pas «d’escalade» militaire.

Isolement du Hamas

Les dirigeants islamistes de l’enclave, à rebours, affichent une certaine combativité. L’un de ses porte-parole, Salah Bardawil, rappelle de manière sibylline que «personne ne peut garantir la stabilité relative» de la région.
«Le Hamas n’a, a priori, pas d’intérêt à déclencher une guerre avec Israël», tranche Mkhaimar Abusada. Il souligne l’isolement actuel du mouvement dont l’un des principaux soutiens, le Qatar, est empêtré dans une crise diplomatique. L’Arabie Saoudite et ses alliés lui demandent de couper les ponts avec l’organisation terroriste. Même s’il tente de sauver les meubles, aujourd’hui l’émirat peut plus difficilement venir en aide à Gaza.
La semaine dernière, les dirigeants du Hamas étaient au Caire, renouant avec des appuis égyptiens. Le nouveau pouvoir, ayant chassé l’islamiste Mohamed Morsi en 2013, était longtemps resté distant de ces voisins peu fréquentables. «Le Hamas a rencontré de nombreuses personnes qui sont potentiellement intéressées par une résolution des crises en cours, et il espère peut-être que le soutien égyptien permettra d’éviter un nouveau cycle de violence», explique le politologue Abusada, s’appliquant à naviguer entre pessimisme réaliste et optimisme salutaire.
Chloé Rouveyrolles envoyée spéciale à Ramallah

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